Texte Chaperon et ses soeurs

2019 La famille Chaperon

Technique : crayon, écolinetirage numérique

 Les sœurs de Chaperon et La tante de Chaperon :

– A qui le tour ? demanda le Petit Chaperon Douze.
Mes grandes sœurs se sont disputées, persuadées d’avoir accompli cette tâche un grand nombre de fois.
– A qui le tour ? répéta-t-elle.
Personne pour porter chez Mère-Grand la galette et le pot de beurre ? Mère Chaperon la désigna.
– Ah, il est beau l’esprit de famille ! Merci les Chaperonnes ! marmonna Chaperon Douze.
Elle enfila sa capuche rouge, rédigea brièvement son testament, prit le panier et claqua violemment la porte en sortant.
Un soupir de soulagement se fit sentir.
– Pourquoi, pourquoi Mère-Grand habite à l’autre bout de la forêt ? Se lamenta la fillette.
Etait-ce trop demander une maison en bord de route fréquentée par des voitures ?
En auto-stop, j’y serais arrivée rapidement. Ou au milieu d’un lac ? Une barque aurait suffit pour le traverser et en été on nagerait sans danger.
Mais non, rien de tout cela. Du tout, du tout! Mère-Grand vit près d’un bois qui loge un loup!
D’un coup de pied rageur, elle envoya au loin un caillou.
– Si seulement j’avais pu emmener Petit Chaperon Dix-sept, pensa-t-elle.
Ma petite sœur met toujours ses doigts dans son nez. A coup sûr, le loup aurait été dégoûté et son envie de nous croquer l’aurait quitté.
Quelle tradition stupide de partir chacune à tour de rôle. A plusieurs, nous aurions moins peur.
Tout en marchant, elle réfléchissait aux précédentes sorties de ses sœurs, cherchant le moyen de ne pas tomber dans la gueule du loup.
– L’une a eu de la chance, le chasseur passait par là, se dit-elle.
Une autre a prétexté un besoin urgent pour s’enfuir. Chaperon Treize a peint un beau gigot dont la bête s’est emparé. Un vrai goinfre, il n’a rien remarqué.
L’aînée fait passer ses taches de rousseur pour une dangereuse maladie très contagieuse.
La fois où notre panier contenait du vin, Chaperon Quinze en a proposé une gorgée.
Le loup a vidé la bouteille et s’est endormi après s’être demandé laquelle des deux il allait manger.
Chaperon Seize, bonne comédienne, arrive à faire croire n’importe quoi à n’importe qui.
Et moi ? Qu’est ce que je vais bien trouver comme histoire pour lui échapper ?
Sa colère grandissait. Son visage devenait aussi écarlate que son manteau.
Une ombre noire se profila. Sans perdre son sang-froid, Petit Chaperon Douze s’avança droit devant.
D’une voix grave, le loup (car c’était bien lui), demanda :
– Où vas-tu mon enfant ?
– Comme d’habitude, répondit avec force Chaperon Douze, vous le savez bien pourtant !
Désirez-vous m’accompagner ?
Le loup hésita. Elle insista. Il accepta. (Il était difficile de contrarier un tel caractère).
Ils prirent ensemble le chemin tout en entamant la conversation et la galette par la même occasion.
Avec le beurre, c’était encore meilleur.
Durant ce petit pique-nique improvisé, ils sympathisèrent en se rendant chez Grand-Mère.
Arrivés devant la maison, Chaperon complimenta le loup sur la couleur de son pelage.
– Le rouge et le noir font tellement bon ménage déclara-t-elle en tendant le ruban qui décorait son panier.
Surpris, (mais néanmoins flatté) le loup noua le tissu à son cou, la remercia et se pressa de retourner dans sa forêt, impatient de se montrer avec son nœud papillon.
– Cette fois, c’est moi le plus beau ! s’écria-t-il.
– Non, le plus chic ! répondit Petit Chaperon Douze avant de tirer la bobinette de la porte.
Le tour était joué.
A la suivante de se débrouiller, songea-t-elle. Comme dit ma tante : un loup ce n’est jamais qu’un gros toutou !